« Je me souviens. » De quoi, donc? Notre mémoire collective est comme notre mémoire individuelle. Sélective et pleine de trous. Robert Lepage nous cause de cette faculté qui oublie. De souvenirs en réminiscences, 887, sa nouvelle pièce se veut un hommage touchant à son père et à toute une génération, celle d’avant la Révolution tranquille.
Difficile de ne pas se sentir interpellé par ce qu’il évoque, car cette histoire récente est celle de la majorité des francophones d’ici. Le 887 Murray de l’enfance de Robert Lepage ressemble d’ailleurs étrangement au 455 Boyer où j’ai passé une partie de la mienne.
887, rue Murray
455, rue Boyer
En revisitant son enfance, il revient sur les origines de cette Révolution tranquille. Qu’est-ce qui l’a précédé? Quelles en sont les raisons? La montée du nationalisme était fondée sur un sentiment d’injustice et était motivée par des valeurs d’équité. Il était indissociable d’objectifs concrets comme l’accès à l’éducation pour tous, et pas seulement pour ceux qui pouvaient se la payer.
La majorité des Québécois sont issus de cette classe ouvrière. Sommes-nous en train de perdre ces valeurs dans le confort de l’indifférence que nous apporte l’élargissement de la classe moyenne? C’est une des questions soulevées dans 887.
Comme d’habitude, Robert Lepage sait utiliser la technologie à bon escient pour illustrer avec une certaine magie ses propos et en faire de beaux moments de théâtre. Pas besoin de moyens spectaculaires. Par exemple, un cellulaire, s’il représente à la fois la communication moderne et notre mémoire numérisée, devient aussi une caméra qui nous fait entrer à l’intérieur d’une maison de poupée, donnant l’impression de voir un film maison un peu bancal comme on en voyait dans les années 70.
La scénographie ingénieuse présente un module polyvalent qui devient tantôt une bibliothèque, tantôt une cuisine, tantôt l’immeuble d’habitation où logeaient les Lepage.
Plutôt cérébrale et très dense, la pièce m’a semblé la plus bavarde de toutes celles que j’ai vues de Robert Lepage, ce qui exige une plus grande concentration, et ce qui a pour conséquence de nous garder un peu en retrait, en position d’observateur attentif plutôt que d’être projeté sur scène au milieu de l’histoire. Mais vers la fin, l’émotion m’a gagné. J’ai été émue par cette interprétation vibrante de Speak White. Émue par cet hommage à un homme qui ressemble à tant de pères de cette époque: discret, peu communicatif, cachant ses émotions, mais travaillant de longues heures pour sa famille du mieux qu’il peut. Cet hommage est aussi celui de toute une génération qui a souhaité un meilleur avenir pour ses enfants. Est-ce que ces enfants et petits-enfants laisseront un meilleur avenir pour la génération suivante? On se le demande.
L’un après l’autre, les musiciens se mettent en place. L’un après l’autre, les écrans s’allument.
Chacun dans son coin à lui, dans cette magnifique maison du 18e siècle. L’une dans son boudoir face à la fenêtre et au paysage de campagne (Kristín Anna Valtýsdóttir). L’autre dans sa bibliothèque. Un pianiste pivot (Kjaartan Sevinsson, ancien musicien de Sigur Ros) au milieu du grand salon, et l’artiste Ragnar dans son bain.
Ils sont huit musiciens en tout. Huit musiciens et un groupe de techniciens et amis sur un 9e écran qui attendent à l’extérieur au son des criquets.
Vous vous promenez d’un écran à l’autre pour assister à tout ce qui s’amorce et s’enchaîne, mais bien vite vous avez envie de vous installer dans un coin de la salle et de vous laisser porter par le spectacle. Car c’en est un. Pendant plus d’une heure, ils jouent ensemble une même pièce avec une mélodie-leitmotiv entrecoupée de phases doucement improvisées (même si tout est visiblement bien structuré). Pendant plus d’une heure, ils joignent leurs voix (voix humaine, violoncelle (Gyða Valtýsdóttir), piano, guitares, basse, batterie, accordéon, harmonica, banjo) sans jamais se perdre, toujours en harmonie, même si chacun vient y apporter ses propres variations.
Et vous vous laissez envahir par la douce mélodie quasi hypnotique. I fall into… Vous assistez à ce moment privilégié où chaque artiste est à la fois connecté à lui-même, son émotion, son instinct, et entièrement connecté aux autres et à la musique.
L’environnement, ce manoir lumineux au charme désuet, ajoute à l’impression d’être plongé un peu hors du temps.
Et bientôt tous se rassemblent et poursuivent joyeusement leur route pour se perdre dans l’horizon et l’infini de la musique.
Et derrière eux, les techniciens éteignent, un à un, les écrans.
Dans un article récent du Devoir, Dominic Tardif se demandait si le récit court était caractéristique de notre époque.
J’ai acheté tout récemment City on Fire qui fait 970 pages et qui est l’un des meilleurs vendeurs de l’heure. Il y a encore de l’appétit pour du costaud. Dans mon cas, il s’agit aussi d’une sorte de boulimie, parce que j’ai beau vouloir, je sais que j’ai les yeux plus grands que la panse et ce sera déjà formidable si j’arrive à terminer ce livre quelque part au cours de l’été.
Lire court nous sauve parfois du vide et de la confusion, nous pauvres lecteurs occupés, qui lisons entre deux stations de métro, dans la salle d’attente du dentiste ou 10 minutes avant de sombrer de gré ou de force dans les bras de Morphée. Ça évite de perdre le fil d’une histoire et permet d’en connaître la fin avant que nos enfants soient devenus des grands-pères.
Alibis Écrire court est aussi un moyen pour les auteurs de survivre parfois. Ainsi, les petits bonshommes qui respirent dans leur tête peuvent émerger et voir un petit bout de leur vie fixé sur papier pour libérer un peu d’espace dans la tête de l’écriveux à l’imaginaire achalant. Ma première nouvelle noire a été publiée dans le magazine Alibis récemment. C’est un premier pas pour moi dans cet univers. J’espère bien qu’il sera suivi de quelques autres, mais je peux dire que j’ai beaucoup d’admiration pour ceux qui réussissent à écrire long au milieu de cette vie si peu oisive, sollicités de toute part que nous sommes par les obligations quotidiennes et par le bombardement d’infos et autres stimulus multimédiatiques!
Suggestions pour lire court
Si lire court vous paraît aussi un bon moyen de lire tout court, et que de plus vous aimez le polar et la littérature noire, Alibis est le magazine parfait pour vous nourrir et vous tenir au courant de ce qui se passe chez nos auteurs d’ici et d’ailleurs. Si vous êtes moins polar, mais que vous aimez une touche de mystère, vous pouvez aussi aller vers Madame Victoria, une série de portraits tous liés par la découverte mystérieuse d’un squelette féminin. Pour mettre un nez dans les coulisses du journalisme, Les Imperfectionnistes est aussi un bouquin qui, sans être un recueil de nouvelles, peut se lire par courts moments, chaque chapitre se penchant sur un personnage lié de près ou de loin à un journal italien.
Je ne pense pas que le court va l’emporter sur le long, mais comme dans n’importe quel art, on a parfois envie d’un éclair créatif. Il y a des moments pour savourer une toune de trois minutes et une autre pour écouter l’album au complet.
Oui, je sais, l’être humain est capable du pire. Comme il est capable du meilleur. Ce qui en fait une bête désespérante, réjouissante, fascinante.
En ces temps troubles, « Human », le projet documentaire de Yann Arthus-Bertrand touche encore plus. Il est pourtant d’une simplicité désarmante. Des gros plans sur des visages de partout. L’humain dans son essence, qui nous parle dans toutes les langues, du bonheur, de l’amour, de la mort, du sens de la vie, de la condition humaine, de sa quête et de ses contradictions. Le tout entrecoupé de paysages spectaculaires, présenté en trois films d’environ 1h30.
Lui et ses équipes ont parcouru la planète pendant deux ans pour recueillir ces paroles et filmer ces environnements. Le projet est également une invitation à une « conversation sociale ». Qu’est-ce qui nous rend humain? #WhatMakesUsHUMAN
On se rend compte, à travers tous ces témoignages, à quel point on est pareils, à quel point on a soif des mêmes choses. On constate aussi qu’au-delà du vernis culturel, on peut avoir une affinité de pensée beaucoup plus grande avec cet Haïtien ou cette Vietnamienne qu’avec ce voisin d’à côté avec qui on n’a pas l’impression de parler le même langage.
Certains récits nous font rager, d’autres nous font sourire ou nous attristent. On nage entre douleur et beauté.
La bibliothèque, la nuit (Robert Lepage, Alberto Manguel, BANQ)
Mon instinct m’a amené à choisir Alexandrie comme première escale. Je me suis retrouvée dans le cosmos, avec la voix d’Alberto Manguel comme guide, avant que les murs de l’ancienne bibliothèque d’Alexandrie, en Égypte, se dressent autour de moi, avec ses étagères de rouleaux de papyrus empilés les uns sur les autres. Et sous mes pieds, le vide. Incapable de baisser la tête sans que le vertige me poigne, je suis restée figée, agrippée à ma chaise, n’osant même pas pivoter pour regarder en arrière. Bravo pour ton instinct, Championne.
Il ne faut pas penser que l’exposition « La bibliothèque, la nuit », de Robert Lepage, est un feu roulant de sensations fortes. Ce n’est pas le cas. Juste un peu déstabilisante au début pour les natures impressionnables comme moi (surtout si vous choisissez le tableau le plus vertigineux pour commencer la visite). Mais l’expérience dans son ensemble est plutôt contemplative.
Après être entrés dans la reproduction (matérielle, cette fois!) d’une bibliothèque privée inspirée de celle de Manguel, on pénètre dans la pièce secrète où une série de tables en bois nous attendent au milieu des arbres. De l’écorce de bouleau parsème le sol, nous rappelant l’origine de l’écriture et de l’objet livre. Pourtant, aucun livre ne nous accueille dans cette pièce. Nous nous dirigeons au coeur de la modernité : le numérique, l’image virtuelle, la vision immersive en 360.
Bien assis sur nos chaises pivotantes, on enfile le casque (Gear VR) qui nous fera voyager. La technologie en est à ses premiers pas seulement (entre autres, l’image n’est pas toujours très claire), et, pour l’instant, il est impossible de se déplacer avec ce casque sur la tête. On nous spécifie de rester assis et on comprend pourquoi. Envahis par l’univers qu’on nous présente, on perd le contact visuel avec l’univers matériel qui nous entoure, incluant notre propre corps. Bien sûr, notre sens de l’orientation et notre équilibre en sont perturbés. On s’y habitue un peu au fil de l’expérience, mais notre cerveau demeure confondu.
Cette exposition de Robert Lepage, inspirée du livre « La bibliothèque, la nuit » d’Alberto Manguel et montée avec sa collaboration, est conçue pour souligner le 10e anniversaire de Bibliothèque et Archives nationales du Québec (BANQ). Dix univers différents nous accueillent, dix bibliothèques qui sont en fait dix courts-métrages montés avec la technologie 360.
Pour chaque tableau, on se retrouve au milieu d’une pièce et, tout en écoutant la narration qui évoque à la fois le lieu, une époque, et notre rapport au livre, à la connaissance et à la culture, on prend le temps d’observer tout autour de nous. Dôme, sol, mur avant, arrière.
Comme une enfant émerveillée, je me laissais imprégner et mon esprit s’envolait souvent dans une rêverie qui ne laissait plus passer la parole du narrateur. Je n’ai donc pas tout entendu, mais les bribes que j’ai retenues ici et là m’accompagnaient avec bonheur et pertinence. Beaucoup de moments m’habitent encore.
Après Alexandrie, je me suis retrouvée à Sarajevo où pendant que la bibliothèque est bombardée, un violoncelliste continue de jouer, comme dans le Titanic. Une bibliothèque est la mémoire d’un peuple et, en temps de guerre, rien ne fait plus mal que cette tentative de destruction de la culture de l’assiégé. Après la mort et l’asservissement des habitants, on s’attaque à leur souvenir, tentant d’en éliminer la moindre trace.
La promenade se poursuit ainsi, du Japon à l’Autriche, en passant par la bibliothèque fictive du capitaine Nemo, création de Jules Verne, et dure tout près d’une heure. Pour ceux qui aiment les livres, qui aiment se retrouver dans des bibliothèques remplies de livres, c’est un très beau voyage que nous ont concocté Robert Lepage, Alberto Manguel et la BANQ.
Bibliothèque du temple Hasedera
Pour les autres, je dirais que le média lui-même vaut l’expérience. Si c’est votre première, vous serez interpelés par cette nouveauté (et tout ça pour un petit 5 $ si vous êtes abonnés à la BANQ). Cette technologie étonnante fera sûrement l’objet de plusieurs études dans le futur. Le cerveau humain est hautement adaptable, mais il est déjà difficile parfois de distinguer le réel de l’imaginaire. On mélange si souvent les faits et les croyances. On a tellement soif de transformer notre réalité si contraignante en un monde idéal tellement plus rassurant. Qu’est-ce que l’accès à de tels outils provoquera sur les cerveaux en croissance, ou en espérance? On se posait déjà la question avec les jeux vidéo et les univers virtuels à la « Second Life », mais ici, on franchit une autre étape.
Ça ne m’empêche pas d’être émerveillée devant les possibilités créatives que cette technologie propose, mais ces questions fascinantes d’adaptation du cerveau vont se poser.
Pour le moment, il s’agit aussi d’une expérience très individuelle, car on est autant coupés des autres que de notre environnement physique, mais j’imagine que des chercheurs clenchent déjà sur des façons de rendre l’expérience collective.
Avant de partir, en voyageuse virtuelle aguerrie, je suis retournée en Alexandrie. Toujours bien agrippée à ma chaise, j’ai pu cette fois en faire le tour, jusqu’à observer la planète derrière moi dans le cosmos, et à jeter plusieurs fois un oeil (bref!) au sol de la bibliothèque plusieurs mètres plus bas. Avant que tout disparaisse et que je traverse à nouveau du côté tangible de la force…
Il est bon parfois de se rappeler qu’on n’a pas inventé le bouton à quatre trous. Je suis retournée voir l’exposition des Aztèques à Pointe-à-Callière qui nous plonge dans cet univers mexicain d’avant la conquête espagnole.
Templo Mayor
Bâti sur le site actuel de Mexico, le Templo Mayor est au coeur de la cité aztèque Tenochtitlan. Un musée archéologique s’élève actuellement au-dessus des ruines de ce temple et ils ont prêté une partie de leur collection au musée Pointe-à-Callière. De nombreux objets d’art (sculptures, bijoux, poteries, masques) font partie de l’exposition. Certaines sculptures sont immenses et franchement impressionnantes.
Sacrifices
La mort est très présente dans leur culture et paraît un peu macabre à notre civilisation occidentale aseptisée, mais elle n’était rien d’autre qu’une facette complémentaire de la vie, comme le sont le yin et le yang chez les Orientaux. La nuit n’existe pas sans le jour, le soleil sans la pluie, la vie sans la mort.
Pour cette raison, les Aztèques pratiquaient le sacrifice humain quotidien. Pour beaucoup de sacrifiés, cette mort était enviable. Tant qu’à mourir de quequ’chose, se disaient-ils… Bon, moi, je préférerais passer mon tour, personnellement, mais pour eux, se faire arracher le coeur et le donner aux dieux, c’était permettre à la vie de suivre son cours, donner son sang pour repousser la fin du monde et vivre comblé pour l’éternité.
Ça a bien fonctionné jusqu’à l’arrivée des Espagnols.
Chinampas
Ce peuple était franchement ingénieux et la civilisation aztèque n’avait rien à envier aux peuples européens dans bien des domaines : éducation, ingénierie, agriculture, arts. Si leurs débuts à Tenochtlitlan, une île entourée d’un marais, ont été difficiles, ils se sont vite adaptés à leur environnement, construisant des temples et une ville entière sur pilotis, érigeant des digues et des canaux pour faire descendre l’eau des montagnes, et créant un système agraire très efficace. Les chinampas étaient des îlots artificiels construits à l’aide de pilotis et de fonds de roseaux tressés sur lesquels on plaçait des couches de sédiments des marais. Sur ce sol riche, on pouvait obtenir jusqu’à 7 récoltes de légumes, de maïs et de fleurs par année. Ce système existe toujours sur le site de Xochimilco mis en valeur et protégé par l’UNESCO.
Écriture
Les Aztèques possédaient leur propre système d’écriture, sous forme de pictogrammes et d’idéogrammes. Si beaucoup des codex (livres de cette époque) ont été détruits par les Espagnols, on en a retrouvé suffisamment pour pouvoir en apprendre davantage sur cette culture, ses moeurs et ses légendes. Plusieurs codex font partie de l’exposition.
Cortés
À l’arrivée des Espagnols, au XVIe siècle, la ville comptait environ 200 000 habitants, plus que la plupart des villes européennes de l’époque. Les Européens seront à la fois fascinés par la civilisation aztèque et horrifiés par certaines pratiques, mais surtout attirés par leur or. Malgré leur infériorité en nombre de soldats, les armées d’Hernan Cortés anéantiront la civilisation aztèque et détruiront Templo Mayor, aidées par leurs armes, par la petite vérole, les superstitions aztèques (qui craignaient la fin du 5e soleil et prenaient les Espagnols pour des dieux) et par les peuples conquis environnants, révoltés contre le pouvoir aztèque tout-puissant.
Séjour à Barcelone cet été. Une courte semaine. Une première. Et j’y retournerais bien…
C’était un mois avant l’élection référendaire en Catalogne. On s’attendait à des pancartes partout, comme chez nous. Mais non… Pas de «oui», pas de «non», pas de grosse face de personne. Pas de manifestation, non plus. Que des drapeaux aux fenêtres. Étoilés et rayés avec parfois un triangle jaune, parfois un triangle bleu, mais tous prônant le caractère distinct de la nation catalane.
Moins d’effervescence indépendantiste visible dans les rues que prévu, donc… Mais tant de choses à voir en si peu de temps, c’est presque cruel.
L’hôtel était situé dans l’Eixample, un quartier vraiment agréable, tout près des chefs-d’oeuvres modernistes, un peu au Nord de la vieille ville historique (vieille ville pleine de charme aux rues très étroites mais beaucoup plus bruyante et bondée, disons-le).
Je n’ai pas été déçue souvent pendant ce voyage. Tout, ou presque, était à la hauteur des attentes.
Voici mes meilleures impressions pour les futurs voyageurs.
Miro
Le musée de la Fondation Miro en est certainement un qui vaut le détour. Consacré à l’artiste catalan, il expose une bonne partie de ses sculptures et toiles. Si vous aimez déjà cet artiste, vous serez heureux. Si vous ne le connaissez pas, c’est une belle occasion de vous initier. Joan Miro a eu ses périodes sombres, mais malgré tout, son oeuvre est généralement très ludique.
Le lieu ne gâche rien. Aéré, épuré, et situé sur le Montjuic avec une belle vue sur la ville. En prime, le restaurant du musée offre un menu de qualité, à prix raisonnable, avec service aux tables dans un décor fort agréable. Vous avez le choix entre une terrasse en cour intérieure ou une table à l’intérieur avec vue sur les arbres.
Picasso
Picasso a vécu sa jeunesse à Barcelone et ce sont ces années-là, ses premières armes, qui sont mises en valeur au musée Picasso. Pas d’oeuvre majeure, donc, mais bien sûr, c’est Picasso… L’office du tourisme de Barcelone offre un tour guidé à pied dans les rues de la vieille ville, passant par différents endroits fréquentés par l’artiste, et se termine par une visite du musée. Tout ça en français, svp. La réussite de ces tours dépend beaucoup du guide, et la nôtre (une étudiante en histoire de l’art) était parfaite (malheureusement, j’ai oublié son nom!). Nous avons donc pu connaître une partie de l’histoire de la ville à travers celle de Picasso et voir les lieux qui ont influencé son oeuvre.
Palais de la musique catalane
Parmi les édifices à visiter, le Palais de la musique m’apparaît incontournable. Conçu par l’architecte Lluis Demènech i Montane, il est spectaculaire. Allez y entendre un concert ou participez à une visite guidée (il y en a en français).
Bémols
Faisons un détour tout de suite par les bémols avant de poursuivre. Évitez le Poble Espanyol. Ce village artificiel ne vaut pas le prix d’entrée. Gardez votre temps et votre argent pour toutes les splendeurs que Barcelone a à offrir.
Enlevons aussi quelques points aux administrateurs de la cathédrale gothique. Elle est impressionnante, mais je ne sais pas qui a eu l’idée de génie de la garnir de lampions électriques et, pire, d’orner plusieurs piliers d’écrans numériques. Pour un monument de cette époque, c’est presque un péché capital.
Gaudi
On ne peut pas mettre les pieds à Barcelone sans admirer l’oeuvre de Gaudi, qui donne à cette ville sa couleur si particulière. Il n’est pas le seul en cause (la période moderniste, dont il fait partie, a généré de nombreux édifices spectaculaires) mais c’est Gaudi qui a le plus marqué la ville.
Quelques mots pour ceux qui ne le connaissent pas bien: Antoni Gaudi est un architecte catalan du 19e siècle, mort en 1926, avec une signature vraiment unique. Entre autres, il était très influencé par la nature et n’aimait pas les lignes droites qui, disait-il, n’existent pas dans le monde biologique.
Plusieurs de ses oeuvres font partie du patrimoine mondial inscrit à l’UNESCO.
Sagrada Familia
Son oeuvre la plus monumentale est la Sagrada Familia (Sainte famille), basilique dont la construction a été commencée en 1883 et est toujours inachevée. On prévoit la terminer en 2026.
J’ai été surprise en franchissant le seuil. L’intérieur impressionne mais m’a paru épuré comparativement à l’extérieur et à d’autres de ses créations. Le blanc domine et ce sont les jeux de lumière à travers les vitraux qui dessinent le décor en mouvement selon l’heure du jour. J’ai tenté de prendre des photos, puis j’ai abandonné, car ça ne rendait pas bien la réalité. Il faut y être.
Avis à tous, accommodement raisonnable ici : on ne tolère pas les chapeaux à l’intérieur, par respect pour ce lieu de culte, disent-ils.
Casa Batllo
L’un de ses édifices les plus connus et très visité, la casa Batllo a été construit en 1906. Il est situé dans le quartier l’Eixample comme beaucoup des immeubles modernistes. Gaudi a beaucoup utilisé la technique du trencadis (mosaïque de céramique, pratique pour recouvrir les formes arrondies).
Palais Güell
Je suggère aussi le palais Güell, première habitation qu’il a conçue pour Eusebi Güell. Très différent de la Casa Batllo mais tout aussi magnifique. Vous pouvez en faire une visite virtuelle sur leur site web.
Parc Güell
Ce parc fait aussi partie de la série Gaudi que je recommande. On peut aller s’y promener gratuitement.Toutefois, certaines zones du parc, et certains édifices, ont un prix d’entrée. Prévoyez un peu de temps devant vous. Nous n’avons pas pu visiter le coeur du parc, faute de billets disponibles au moment de notre visite, et à cause d’un horaire chargé.
La Pedrera (ou Casa Mila)
La Pedrera, autre signature de Gaudi, vaut la peine d’être vue de près de l’extérieur. Toutefois, si vous devez faire une sélection (pour épargner temps et argent, car il y a tant à voir dans cette ville!), vous pouvez laisser tomber la visite intérieure payante, car hormis le toit, l’intérieur de La Pedrera est moins spectaculaire que les autres édifices de l’architecte (à moins d’être passionné d’architecture). Mais, bon, si vous y tenez, ça demeure du Gaudi, jamais banal.
Observatoire Fabra et souper sous les étoiles
Rien à voir avec Gaudi, mais si vous avez envie de sortir un peu du circuit touristique, pensez à un souper sous les étoiles au mont Tibidabo à l’extérieur de l’observatoire astronomique Fabra. Repas gastronomique, service de qualité, vue imprenable sur Barcelone et visite.
Comme nous étions les deux seuls «touristes» (ne parlant ni castillan ni catalan), nous avons eu droit à une visite privée pour deux. Les étoiles étaient discrètes (la faute aux lumières de la ville), mais nous avons eu le privilège de voir de près la lune presque pleine avec ses cratères, à travers le téléscope géant.
En extra, pendant que j’observais la vue, moi, la Nord-Américaine, j’ai eu droit à mes premiers sangliers «live», les petits et leur maman.
À la fin de la visite, ils se sont occupés de nous appeler un taxi (prévoyez une bonne demie-heure de taxi jusqu’au coeur de la ville). Quand je dis «ils», je parle des organisateurs de la soirée, bien sûr, et non des repas préférés d’Obélix, hum…
Sangria, expressos et cocktails
Si j’ai un regret, c’est de ne pas avoir eu assez de temps pour le farniente, mais je peux quand même vous recommander le Quinze Nits, sur la Plaça Reial, pour les tapas copieux, bons et à bon prix et pour l’excellente sangria.
Barcelone regorge de cafés. Dans l’Eixample, il y a des terrasses tout le long de la Rambla (animée, mais beaucoup moins que vers le sud dans la vieille ville où c’est non seulement bondé, mais où ça devient plutôt des kiosques de glin-glin pour les touristes). C’est donc facile de trouver un endroit bien pour se sustenter (avertissement: partout, on paie le pain et l’eau). Un peu à l’écart de l’autoroute pour touristes, on trouve aussi chaussure à son pied, comme le bistrot Café Emma, ou encore Épicerie, un chouette café (eh oui) tenu par une Française (mais les employés parlent surtout castillan ou catalan et un peu l’anglais). On l’avait adopté pour nos matins. Dans la plupart de ces cafés, ou dans les restos pour le déjeuner, on trouve des mini-sandwichs avec jambon ibérique, une spécialité de la place. Et oubliez le café filtre, bien sûr. C’est expresso ou café americano.
Le café Épicerie à Barcelone
Si vous n’avez pas trop le vertige, faites un petit tour aussi au bar Éclipse juché au dernier étage de l’hôtel W, situé sur un bras de terre qui avance dans la Méditerranée. Difficile de faire mieux pour se perdre dans l’horizon bleu.
Lectures barcelonaises
Deux romans espagnols m’ont accompagnée avant et pendant le voyage. Le premier est traduit du catalan et raconte l’histoire de la Catalogne en parallèle à la vie d’un homme. Au passage, ça parle du bien et du mal, de l’art et de la beauté autant que de la cruauté, deux facettes indissociables de l’être humain. Un livre «costaud» (vraiment pas une lecture de plage) mais excellent. Je ne le conseille pas à tout le monde mais au moins à tous les grands lecteurs. Confiteor, de Jaume Cabré.
Le second se lit comme du bonbon, mais n’en demeure pas moins très bien écrit. Dans le Barcelone contemporain, plusieurs destins s’entrecroisent, questionnant la vie et dépeignant la société espagnole, avec le débat sur l’indépendance en toile de fonds. Cet écrivain belge vivant à Barcelone nous promène d’un quartier à l’autre sur les pas des personnages, redoublant le plaisir du voyageur. Barcelona!, de Grégoire Polet.
Cette « Avenue des Géants » de Marc Dugain nous entraîne dans un suspense psychologique plutôt que dans un pur thriller. Inspiré par la vie et les propos d’un tueur en série tristement célèbre, l’auteur a imaginé ce qui pouvait se passer dans la tête d’un tel homme, rendant habilement l’ambiguïté de ce cerveau lucide mais torturé.
Ne faites pas la gaffe (comme moi!) de vous informer sur le personnage réel avant de lire le livre. Le suspense n’en sera que meilleur, tout comme l’impact de la finale.
Si dès le départ, on sait qu’on a affaire à un sociopathe en prison, plus très jeune et étrangement conscient de son manque d’empathie et de sa perversité, on se prend pourtant d’une certaine sympathie pour le bonhomme intrigant qu’il est devenu, froid mais qui maîtrise maintenant sa violence, dit-il, et ne se plaint pas de son sort, presque rassuré d’être à l’abri de lui-même au pénitencier.
Et voilà qu’on remonte dans le passé avec lui. La tension est là. On sait qu’une tragédie se prépare, que cet adolescent de 15 ans va exploser, et on attend le moment fatidique avec anxiété. Puis c’est l’arrestation, le diagnostic de maladie mentale qui tombe, la réhabilitation. Tout ça nous est raconté par le tueur lui-même. Très intelligent, mais affublé d’un sérieux déficit émotif et affectif, il jongle constamment avec ses idées noires et ses fantasmes morbides, mais refusant, semble-t-il, de passer à l’acte. Si bien qu’on se dit qu’il n’est peut-être pas si sociopathe qu’on le pense…. jusqu’à ce qu’on accède à la finale.
Personnage inquiétant mais non dénué d’humanité, il pose la question qui nous brûle tous les lèvres : est-ce qu’on naît tueur? On ne pourra pas y répondre avec certitude, mais ce que semble suggérer l’auteur, c’est que des actes aussi dépourvus de sens à première vue s’expliquent par un ensemble de facteurs, biologiques peut-être, mais aussi psychologiques et sociologiques.
Ce qui m’est passé par la tête, moi, comme lectrice, est que certaines pathologies, enracinées dans l’enfance, sont impossibles à guérir, et que les thérapeutes sont bien naïfs de penser qu’ils peuvent lire dans un esprit aussi dérangé, qui sait si bien les manipuler. Troublant.
Ce n’est pas la première fois qu’on en parle et ce ne sera pas la dernière, car les choses bougent vraiment trop lentement (en fait, est-ce que ça bouge? Dites-le moi si le mal de mer vous pogne; moi, ça va.). Les réalisatrices sont trop peu nombreuses. Pourquoi? Comme en politique, les raisons sont sûrement multiples et difficiles à cerner. Les Réalisatrices Équitables en ont fait leur cheval de bataille et elles ont bien raison.
Certaines actrices, regroupées au sein de l’Union des Artistes, ont aussi mis cette question de l’avant : moins de rôles principaux pour les femmes au cinéma, et c’est encore pire après 40 ans.
L’équation est simple. Moins de personnages féminins importants parce que moins de femmes créatrices de ces histoires (scénaristes et réalisatrices). C’est compréhensible. On écrit sur ce qu’on connaît le mieux. Les hommes ont donc tendance à donner une figure masculine à leur héros. Et, à mon avis, les personnages secondaires féminins créés par des hommes sont souvent plus « fantasmés » que réalistes. Je ne dis pas que c’est toujours comme ça, je parle d’une tendance. (N’est pas « Mommy » Dolan qui veut.)
D’où la nécessité d’avoir davantage de femmes aux commandes. Pas parce qu’elles sont meilleures. Pas parce qu’elles vont révolutionner le monde du cinéma. Seulement parce que nous aussi, les filles, on a envie d’être bien représentées dans le monde du 7e art.
Tout ça pour vous dire que je m’amuse souvent à analyser les films réalisés et ainsi comparer les réalisateurs et leurs personnages principaux. Faites-le vous aussi, vous allez voir, c’est chaque fois pareil. J’avais envie de partager l’exercice avec vous aujourd’hui.
La SODEC a annoncé son soutien à 12 longs-métrages de fiction pour 2014-2015. Voici ce que ça donne (je n’ai gardé que le début des descriptions pour illustrer mon propos) :
6 h
« En 1955, Tom, 17 ans, en maison de redressement, apprend que son père est condamné à mort pour avoir tué son patron abusif et violent. »
Personnage principal : Tom
Réalisateur : Michel Jetté
BORIS SANS BÉATRICE
« Boris Malinowski, esprit fort, libéral et orgueilleux, a atteint tous ses buts. Depuis un temps, sa femme Béatrice, ministre au gouvernement du Canada, est clouée au lit victime d’une mystérieuse dépression. »
Personnage principal : Boris Réalisateur : Denis Côté
DESPERADO
« Adrien, un solitaire d’âge mûr, se retrouve au mauvais endroit au mauvais moment et se fait enlever par Cédric et William, deux jeunes qui se sont sérieusement mis dans le pétrin. »
Personnage principal : Adrien Réalisateur : Richard Angers
MISSION YÉTI
« Les destins de Nelly Maloye, détective privée débutante, et Simon Picard, assistant de recherche en sciences de l’Université Laval, se croisent accidentellement. »
Deux personnages principaux : Nelly et Simon Réalisateurs : Pierre Greco et Nancy Florence Savard
Tiens donc… Première apparition d’une héroïne féminine et il y a justement une fille à la création. C’est un film d’animation, mais le rapport est le même.
NITRO RUSH
« Condamné pour le rôle qu’il a joué dans l’homicide involontaire d’un policier, Max apprend que son fils Théo vient d’être recruté par une organisation criminelle. »
Personnage principal : Max
Réalisateur : Alain Desrochers
PAYS
« À 25 ans, Félixe, nouvellement élue au gouvernement fédéral canadien, se voit catapultée à l’Île de Besco pour prendre part à une médiation concernant les ressources minières de ce pays. Émily, une médiatrice de renom aux prises avec des procédures de divorce difficiles, mène celle-ci. Danielle, la première ministre de l’île, tente de gérer la situation tout en s’occupant de sa vie familiale. Une amitié se nouera entre les trois femmes (…). »
Personnages principaux : Félixe, Émily et Danielle (Wow… Trois filles!)
Réalisatrice : Chloé Robichaud (Ah ben, tabarouette… une fille!)
PERDI EN AYITI
« Après avoir connu le sommet, l’animateur de talk-show Marc Morin est à un tournant de sa carrière et de sa vie personnelle. Pour le relancer, son agent lui organise contre son gré un séjour en Haïti, cinq ans après le séisme de 2010, afin d’agir comme porte-parole d’une ONG québécoise qui œuvre là-bas. »
Personnage principal : Marc Morin
Réalisateur : Benoit Pelletier
LE PROBLÈME D’INFILTRATION
« Chirurgien dédié au sort des grands brûlés, époux d’une femme sensible et intelligente, père d’un enfant docile, bricoleur adroit, cuisinier hors pair, Louis Robert vit la perfection jusqu’au jour fatidique où tout se met à se fissurer. »
Personnage principal : Louis Robert
Réalisateur : Robert Morin
LES TROIS P’TITS COCHONS 2
« Nous retrouvons les trois petits cochons cinq ans plus tard, toujours victimes de leur sexualité débordante. »
Personnages principaux : 3 gars
Réalisateur : Jean-François Pouliot
X QUINIENTOS « X Quinientos nous raconte les histoires d’Alex, Maria et David, trois jeunes migrants du continent américain qui sont chacun confrontés au décès d’un être cher. »
Personnages principaux : Alex, Maria (une fille, youppi!) et David
Réalisateur : Juan Andrés Arango
A WORTHY COMPANION
« Robert Drake est un postier qui vit dans une banlieue nord-américaine. Il est perçu comme un employé modèle, comme un aide-soignant de son frère handicapé, et comme un voisin tranquille. »
Personnage principal : Robert Drake
Réalisateurs : Carlos Sanchez et Jason Sanchez
BIRTHMARKED
« En 1976, Ben Morin et Catherine O’Neal commencent une expérience visant à changer notre compréhension de l’identité humaine. »
Personnages principaux : Ben et Catherine (ah!)
Réalisateur : Emmanuel Hoss-Desmarais
Maintenant, faites le décompte. Une seule réalisatrice sur 12 films (non, 2 réalisatrices, pardon… versus 11 réalisateurs). Combien d’héroïnes?
Je ne reproche absolument pas aux gars d’écrire des rôles de gars. Je constate seulement que si on veut avoir à l’écran davantage de beaux rôles d’avant-plan féminins, il faut que les femmes puissent scénariser et réaliser leurs propres films. Et je me demande comment ça se fait que ce n’est toujours pas le cas. Qu’est-ce qui ne va pas? Pourquoi ça ne bouge pas davantage de ce côté-là? Les filles sont talentueuses aussi, alors ce n’est pas le problème. Et il y en a forcément un. Un tel pourcentage, un tel déséquilibre, ce n’est pas normal.
Deux navires pris dans les glaces et dont on n’avait jamais retrouvé la trace. Des hommes condamnés à vivre — et à mourir — de faim et de froid, loin des leurs, dans un environnement du bout du monde. L’Erebus et le Terror font partie de la légende et on vient de retrouver l’un deux. L’expédition Franklin va enfin révéler ses derniers secrets.
Photo prise par un sonar de Parcs Canada
Je ne sais plus quand j’ai entendu parler pour la première fois des naufrages de cette expédition dans l’Arctique, mais c’est le genre d’histoire qui frappe l’imaginaire. Le mien, en tout cas.
Fascinée par le sort des ces hommes, j’ai donc lu avec beaucoup de plaisir, malgré ses longueurs, le roman de Dan Simmons, Terreur, inspiré de ce qu’on connaissait de cette aventure. Si vous souhaitez en savoir plus, je vous conseille ce livre, fictif bien entendu, mais qui rend bien l’esprit qui devait régner sur ces bateaux. Dan Simmons a même effectué des recherches de terrain, se rendant dans le Grand Nord pour vivre les sensations (le froid et le noir, notamment) qu’il a intégrées au récit.
Il imagine les confidences d’un des commandants, Francis Crozier, qui nous raconte les événements dans son journal : la longue attente, la peur, l’espoir, la maladie, les morts qui surviennent, une à une, dans cet endroit polaire où ils sont isolés et complètement perdus. Ils ont mis beaucoup de temps à quitter les vaisseaux, espérant toujours être rescapés. À bout de provisions, au bout de longs mois de résistance (années même!), ils ont dû se résoudre (du moins, les quelques survivants) à partir à pied sur la terre glacée.
On connaît les grandes lignes de l’histoire, alors je ne vends pas de punch, mais l’immersion est réussie. Dan Simmons arrive à nous faire ressentir de façon réaliste et très crédible ce que ces pauvres marins ont dû vivre. À son habitude, il a rajouté une touche de fantastique, un monstre nordique semblable à un ours géant qui rôde autour d’eux, tel un fantôme, et qui les terrorise. Il incarne l’inconnu, la métaphore de cette peur devant ce milieu qui leur était hostile, car totalement étranger. L’auteur n’oublie pas non plus d’illustrer ce racisme latent qui élevait une barrière entre les marins anglais et les Inuits, ce qui leur a certainement nui, et les a sans doute même condamnés.
La fin imaginée par l’auteur s’étire inutilement (à mon goût, du moins), mais ça n’a pas altéré mes fortes impressions de lecture.
Sous les étoiles
J’ai aussi lu le livre de Dominique Fortier, Du bon usage des étoiles. On a droit ici à de la bonne littérature, plus largement inspirée du mythe, mais moins collée à la réalité des marins. Ce sont deux romans totalement différents. Pour se mettre dans la peau des hommes, c’est celui de Dan Simmons qu’il faut choisir. Pour se plonger davantage dans la société victorienne, on pourra opter pour le roman de Dominique Fortier.
Cet été, j’ai eu le plaisir d’interviewer Charles Dagneau, un archéologue subaquatique de Parcs Canada. Après l’étude de l’épave de l’Empress of Ireland, il devait joindre l’équipe de recherche du Franklin. Plusieurs expéditions ont eu lieu au fil du temps, sans succès, mais l’équipe espérait découvrir le trésor dans cette nouvelle zone de recherche. Eurêka.